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Mon maître, je ne suis pas un homme politique.
Tâche de ne pas être un homme dangereux. Pourquoi, à l'attaque du poste de Cossé, quand le rebelle Jean
Treton, acculé et perdu, s'est rué seul, le sabre au poing, contre toute ta colonne, as-tu crié: Ouvrez les rangs.
Laissez passer?
Parce qu'on ne se met pas à quinze cents pour tuer un homme.
Pourquoi, à la Cailleterie d'Astillé, quand tu as vu que tes soldats allaient tuer le Vendéen Joseph Bézier,
qui était blessé et qui se traînait, as-tu crié: Allez en avant! J'en fais mon affaire! et as-tu tiré ton coup de
pistolet en l'air?
Parce qu'on ne tue pas un homme à terre.
Et tu as eu tort. Tous deux sont aujourd'hui chefs de bande ; Joseph Bézier, c'est Moustache, et Jean Treton,
c'est Jambe-d'Argent. En sauvant ces deux hommes, tu as donné deux ennemis à la république.
Certes, je voudrais lui faire des amis, et non lui donner des ennemis.
Pourquoi, après la victoire de Landéan, n'as-tu pas fait fusiller tes trois cents paysans prisonniers?
Parce que, Bonchamp ayant fait grâce aux prisonniers républicains, j'ai voulu qu'il fût dit que la république
faisait grâce aux prisonniers royalistes.
Mais alors, si tu prends Lantenac, tu lui feras grâce?
Non.
Pourquoi? Puisque tu as fait grâce aux trois cents paysans?
Les paysans sont des ignorants ; Lantenac sait ce qu'il fait.
Mais Lantenac est ton parent?
La France est la grande parente.
Lantenac est un vieillard.
Lantenac est un étranger. Lantenac n'a pas d'âge. Lantenac appelle les Anglais. Lantenac c'est l'invasion.
Lantenac est l'ennemi de la patrie. Le duel entre lui et moi ne peut finir que par sa mort, ou par la mienne.
Gauvain, souviens-toi de cette parole.
Elle est dite.
Il y eut un silence, et tous deux se regardèrent.
VII. LES DEUX POLES DU VRAI 149
Quatre-vingt-treize
Et Gauvain reprit:
Ce sera une date sanglante que cette année 93 où nous sommes.
Prends garde, s'écria Cimourdain. Les devoirs terribles existent. N'accuse pas qui n'est point accusable.
Depuis quand la maladie est-elle la faute du médecin? Oui, ce qui caractérise cette année énorme, c'est d'être
sans pitié. Pourquoi? parce qu'elle est la grande année révolutionnaire. Cette année où nous sommes incarne
la révolution. La révolution a un ennemi, le vieux monde, et elle est sans pitié pour lui, de même que le
chirurgien a un ennemi, la gangrène, et est sans pitié pour elle. La révolution extirpe la royauté dans le roi,
l'aristocratie dans le noble, le despotisme dans le soldat, la superstition dans le prêtre, la barbarie dans le juge,
en un mot, tout ce qui est la tyrannie dans tout ce qui est le tyran. L'opération est effrayante, la révolution la
fait d'une main sûre. Quant à la quantité de chair saine qu'elle sacrifie, demande à Boerhave ce qu'il en pense.
Quelle tumeur à couper n'entraîne une perte de sang? Quel incendie à éteindre n'exige la part du feu? Ces
nécessités redoutables sont la condition même du succès. Un chirurgien ressemble à un boucher ; un
guérisseur peut faire l'effet d'un bourreau. La révolution se dévoue à son oeuvre fatale. Elle mutile, mais elle
sauve. Quoi! vous lui demandez grâce pour le virus! vous voulez qu'elle soit clémente pour ce qui est
vénéneux! Elle n'écoute pas. Elle tient le passé, elle l'achèvera. Elle fait à la civilisation une incision
profonde, d'où sortira la santé du genre humain. Vous souffrez? sans doute. Combien de temps cela
durera-t-il? le temps de l'opération. Ensuite vous vivrez. La révolution ampute le monde. De là cette
hémorragie, 93.
Le chirurgien est calme, dit Gauvain, et les hommes que je vois sont violents.
La révolution, répliqua Cimourdain, veut pour l'aider des ouvriers farouches. Elle repousse toute main qui
tremble. Elle n'a foi qu'aux inexorables. Danton, c'est le terrible, Robespierre, c'est l'inflexible, Saint-Just,
c'est l'irréductible, Marat, c'est l'implacable. Prends-y garde, Gauvain. Ces noms-là sont nécessaires. Ils
valent pour nous des armées. Ils terrifieront l'Europe.
Et peut-être aussi l'avenir, dit Gauvain.
Il s'arrêta, et repartit:
Du reste, mon maître, vous faites erreur, je n'accuse personne. Selon moi, le vrai point de vue de la
révolution, c'est l'irresponsabilité. Personne n'est innocent, personne n'est coupable. Louis XVI, c'est un
mouton jeté parmi des lions. Il veut fuir, il veut se sauver, il cherche à se défendre ; il mordrait, s'il pouvait.
Mais n'est pas lion qui veut. Sa velléité passe pour crime. Ce mouton en colère montre les dents. Le traître!
disent les lions. Et ils le mangent. Cela fait, ils se battent entre eux.
Le mouton est une bête.
Et les lions, que sont-ils?
Cette réplique fit songer Cimourdain. Il releva la tête et dit: Ces lions-là sont des consciences. Ces lions-là
sont des idées. Ces lions-là sont des principes.
Ils font la Terreur.
Un jour, la révolution sera la justification de la Terreur.
Craignez que la Terreur ne soit la calomnie de la révolution.
VII. LES DEUX POLES DU VRAI 150
Quatre-vingt-treize
Et Gauvain reprit:
Liberté, Egalité, Fraternité, ce sont des dogmes de paix et d'harmonie. Pourquoi leur donner un aspect
effrayant? Que voulons-nous ? conquérir les peuples à la république universelle. Eh bien, ne leur faisons pas [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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